GREGG ALLMAN, LA MORT D’UNE LÉGENDE


samedi 27 mai 2017, chez lui en Géorgie, à l’âge de soixante neuf ans.

Encore un de parti trop tôt ! Mais celui-là, il n’y en avait pas deux comme lui.

Il appartenait à la race des survivants qui continuent coûte que coûte leur chemin malgré les coups du sort. Et son chemin, on peut dire sans exagérer qu’il a été particulièrement rocailleux.

Né à Nashville Tennessee, le 8 décembre 1947, le destin le frappe deux ans plus tard quand son père se fait flinguer par un type qu’il avait pris en stop.

Privé d’une figure paternelle, il va développer une admiration sans borne pour son frère aîné, Duane. Plus tard, ce dernier va l’entraîner dans une équipée musicale extraordinaire qui durera près de quarante cinq ans, l’Allman Brothers Band (constitué en 1969).

Le succès est au rendez-vous mais la vie prépare un autre sale coup pour Gregg.

En 1971, il doit faire face au décès de son frère adoré, fauché en pleine gloire dans un accident de moto. Il surmonte comme il peut cette terrible épreuve mais il retombe en pleine tragédie un an après avec la mort du bassiste Berry Oakley (lui aussi décédé au guidon d’une bécane, pratiquement au même endroit que Duane).

Malgré tout, Gregg s’accroche et continue avec ses potes musiciens l’aventure de l’Allman Brothers Band, devenu une véritable institution aux Etats-Unis.

Cependant, le groupe va affronter une série de rebondissements dignes d’un feuilleton télévisé. Tout y passe ! Excès en tous genres (conquêtes féminines à répétition, abus de drogues, alcool à haute dose), engueulades internes et problèmes judiciaires.

Pour éviter la prison, Gregg témoigne contre son road manager accusé de trafic de drogues, s’attirant ainsi la réprobation des autres membres du groupe. La séparation devient inévitable.

Dès lors, Gregg alternera carrières en solo et reformations de l’Allman Brothers Band tout en continuant de mener une vie dissolue (et ce n’est pas son mariage aussi court que tumultueux avec la chanteuse Cher qui arrangera les choses).

À partir de 1990 (date de la réunion ultime du combo), il conduira l’ABB jusqu’à son terme en 2014.

Mais son style de vie chaotique lui a laissé des séquelles irréversibles. En 2007, on lui diagnostique une hépatite C. En 2010, on lui découvre trois tumeurs au foie et il doit subir une greffe. En 2011, il repasse encore sur le billard pour une intervention chirurgicale au niveau des poumons.

Plus ou moins remis, dissimulant au public son état de santé, il continue quand même de jouer sa musique jusqu’à ce que ses forces l’abandonnent.

Obligé d’annuler ses concerts à l’automne 2016, il tient le coup comme il peut mais finit par succomber à un cancer du foie le 27 mai 2017.

La nuit précédant sa mort, il écoutait encore le mixage final de quelques titres de son dernier album. Musicien jusqu’au bout !

Voilà donc un parcours hors normes pour un homme qui l’était tout autant.

Mais au-delà de ses débordements propres à une vie de rocker, en plus de ses longs cheveux blonds et de ses tatouages, on se souviendra surtout de lui pour autre chose : sa voix, sa musique, son talent.

Gregg Allman possédait une voix idéale pour chanter le blues et le rock: tout à la fois rauque, suave, chaude, émotionnelle et mélodieuse (sur le premier album de l’ABB, « It’s not my cross to bear » et « Whipping post » illustrent parfaitement cette description).

Il avait également une façon de composer bien à lui en ajoutant des progressions mélodiques en mode mineur à des accords majeurs de blues (« Please call home », « Come and go blues »).

Reflétant un sens poétique évident, les paroles de certains de ses morceaux dépassaient largement le cadre du rock (l’extatique « Dreams »).

Sans être un virtuose des claviers, il jouait de l’orgue et du piano de manière simple mais efficace, tout en sensibilité (il pouvait aussi se débrouiller sur une guitare).

Superbement doué pour composer et interpréter des chansons poignantes et nostalgiques, il a offert au monde des titres inoubliables (le sublime « Melissa » et le superbe « Oncoming traffic » tiré du live « The Gregg Allman Tour »).

Mais surtout, avec son frère Duane (et aussi les autres membres de l’Allman Brothers Band), il a définitivement posé les bases du « Southern rock » en mélangeant les divers courants musicaux issus des États du Sud (le blues, la soul, le jazz, la « country music » et le rock’n’roll), influençant ainsi un nombre incalculable de musiciens.

Pionnier du rock sudiste, membre fondateur d’un groupe mythique, Gregg Allman a marqué son époque d’une empreinte indélébile (ce n’est pas par hasard que Molly Hatchet a connu le succès avec une reprise de « Dreams » en version hard rock).

Il laisse un vide immense dans le monde de la musique mais aussi dans nos cœurs et nos âmes.

Il affirmait qu’il sentait parfois la présence de son frère défunt à ses côtés. Là, il est parti le rejoindre pour toujours.

One more morning I had to wake up with the blues.

Olivier Aubry

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